Edito
C’était mieux avant !!!
Cette assertion, presque un cliché qu’on moquait à la télévision dans les années 1990 au travers de la marionnette de Francis Cabrel, sonne comme une évidence. Et quand on jette une oreille à ce qu’on entend aujourd’hui et ce à quoi on avait accès dans les années 1970, par exemple, on se dit que c’est peut-être vrai. D’ailleurs, les vidéos de YouTubeurs qui font ce constat sont légion et y vont tous de leurs exemples flagrants pour démontrer que la production musicale actuelle ne fait qu’aller vers le fond.
Outre le fait qu’on avait exactement les mêmes discours il y a cinquante ans et qu’à ce rythme-là, on devrait normalement avoir atteint le fond, on ne peut se satisfaire d’une méthodologie pseudo-musicologique qui met face à face deux époques en puisant dans le meilleur de l’une et dans le pire de l’autre. Puisque les gens ont la mémoire courte, faut-il rappeler que même dans ces fameuses années dorées qui ont vu apparaître les Beatles, les Beach Boys, Return to Forever, Weather Report, etc, on avait droit à de sacrées bouses également du côté de l’industrie musicale. En France, par exemple, alors qu’on pouvait acheter Mekanïk Destruktïw Kommandöh de Magma, les plus gros vendeurs s’appelaient Frédéric François, Claude François, Sheila et Ringo, Stone et Charden...
Bon, pour cet exemple, difficile me direz-vous de regarder les États-Unis où les albums les plus vendus s’appelaient The Dark Side of the Moon ou Goodbye Yellow Brick Road. Oui, sauf que question single, le numéro un s’appelait Tony Orlando et sa chanson valait bien « Les Gondoles à Venise ». Tout est toujours affaire de point de vue et on peut soit choisir de se morfondre dans l’attitude assez pénible du « c’était mieux avant », soit choisir d’embrasser la création actuelle dans son incroyable diversité en zappant ce qui n’est fait que pour être populaire. Car oui, la musique populaire, surprise, est conçue dans le but de plaire au plus grand nombre en simplifiant les paramètres si nécessaire. C’est le principe d’une industrie dans une économie de marché. Et puis interrogeons-nous : que veut-on dire en fustigeant la diminution du nombre d’accords dans les chansons ou l’absence de modulations. À ce compte-là, les ragas indiens les plus complexes sont des morceaux vraiment très simples (puisque l’harmonie ne bouge pas...) et peu dignes d’intérêt. Or, depuis un certain nombre d’années, même si les harmonies se simplifient, le rythme, lui, s’est pris une bonne grosse claque. Sans parler de mesures composées, les structures ternaires tournant dans des métriques binaires sont légion. Les influences venues d’Afrique de l’Ouest, du Maghreb ou de la pop indienne sont là aussi pour créer l’émotion. Souvenez-vous qu’à une époque, on n’avait quasiment droit qu’à du binaire en quatre temps. Est-ce que cela rendait « Blackbird » ou le « Boléro » de Ravel moins intéressant ? Non plus.
Tout ceci pour vous dire qu’à l’instar de Stanley Clarke, ne vous posez pas en donneur de leçon, prenez ce que la vie vous offre et si vous aimez le jazz et le rock, jouez les deux et en même temps ! Clarke a forgé son style inimitable parce qu’il a été formé à la contrebasse et a choisi de jouer de la basse électrique, fort de son bagage jazz et classique. Résultat : il a changé la face de l’instrument et joué sur quelques-uns des albums majeurs des seventies et de la décade suivante. Faites votre marché dans ce numéro où vous trouverez des tests de nouveaux instruments, d’un logiciel de modélisation vraiment intéressant, des interviews de musiciens que vous ne connaissez peut-être pas tous... L’occasion de constater que si avant c’était bien, en ce moment c’est pas mal non plus.
Régis Savigny
Numéro 105
7,90€