Edito
EN COUV' : On entend souvent dire que la France est un pays qui aime les étiquettes, ranger les gens dans des catégories, et que, quand on vous a collé une étiquette, il est difficile de s’en défaire. Ce serait d’autant plus vrai dans les milieux artistiques. Ainsi, un musicien de jazz devrait passer sa vie à jouer des II-V-I et, inversement, un musicien de rock avec une contrebasse dans les mains, c’est nécessairement suspect. Passons sur la réputation des fils-de, à qui on fait en permanence des procès en compétence avant même qu’ils aient joué une note, et la tendance à imaginer qu’une femme n’est pas taillée pour jouer de la basse alors même que Carol Kaye a posé les bases de l’instrument en studio. S’il est effectivement difficile de courir plusieurs lièvres à la fois, et donc difficile d’exceller dans plusieurs domaines, cela ne veut pas dire qu’un musicien ou une musicienne ne peut pas y arriver. Si on considère, en revanche, notre art comme un travail d’ouverture de l’oreille et de mise de l’instrument au service de la musique, il n’y a rien qui diffère vraiment, entre le jazz et le rock, entre la pop et le metal, si ce n’est une question de sonorité ou d’approche harmonique. Le supplément de travail qu’il y a à faire n’est pas tant pour passer d’un style à l’autre que pour acquérir la rigueur nécessaire pour ouvrir ses oreilles et contraindre son corps à exécuter ce qu’on entend. Si aucun des musiciens présents dans ce numéro ne prétend être un contre-exemple de cette tendance à ranger dans des cases, tous prouvent au moins qu’on peut naviguer d’un style à l’autre avec aisance, d’un instrument à l’autre sans cligner des yeux et partir en tournée à l’âge de 15 ans, qu’un Frenchie peut faire le job aux USA aussi bien que les musiciens du cru et qu’une femme peut évidemment déchirer sur l’instrument et être en totale maîtrise de son projet artistique. Les histoires de David Jacob, Wolfgang Van Halen, Kevin Reveyrand et Blu DeTiger ont le mérite de confirmer qu’avec un peu de travail (beaucoup de travail…), on peut réussir à peu près tout ce qu’on entreprend. Histoire de pousser le bouchon, allez voir nos pages pédago, dans une veine très créative pour ce numéro, avec des grooves terriblement inspirants pour vos compositions. Question matos, de la lutherie punk avec Loïc Le Pape et des lignes modernes avec Cort. Histoire de faire le grand écart.
La rédaction
Numéro 118
7,90€