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Aston “Family Man” Barrett : le reggae en deuil

Le 3 février 2024, le bassiste et leader des Wailers est mort d’une insuffisance cardiaque après une série d’accidents vasculaires cérébraux, à l’âge de 77 ans, en Floride.

Né en 1946 à Kingston, le bassiste Aston Barrett a formé LA section mythique du reggae avec son frère Carlton, de quatre ans son cadet, à la batterie. Venu très tôt à la musique, la légende raconte qu’il aurait construit lui-même sa première basse à l’aide de pièces de récupération. Les deux frères intègrent d’abord les Hippy Boys puis The Upsetters de Lee “Scratch” Perry, avec qui ils enregistrent leur premier hit, « Return of Django ».

Perry leur fait rencontrer The Wailers, trio vocal composé alors de Bunny Wailer, Peter Tosh et Bob Marley, dont il est le producteur. Ils les accompagnent à partir de 1970 pour Soul Rebels. Le groupe rejoint le label Island Records en 1974, où le producteur décide de les renommer Bob Marley and the Wailers, ce qui provoque le départ des deux autres cofondateurs. La section rythmique gardera de bons rapports avec les deux partants et accompagnera l’album de Peter Tosh, Legalize it et celui de Bunny Wailer, Blackheart Man.

Mais, même s’ils joueront avec de nombreux artistes, c’est Bob Marley que les deux frères accompagneront jusqu’à sa mort et avec qui ils atteindront la gloire. Le bassiste devient le leader des Wailers et joue un rôle déterminant pour créer le reggae à partir des rythmes jamaïcains et lui faire connaître un succès planétaire. Jouant aux doigts, à la jonction entre le manche et le corps de sa Fender Jazz Bass, il utilise des amplis Acoustic 370 et Ampeg SVT. Le rythme se caractérise à la batterie par le « one-drop » : le premier temps de la mesure n’est pas joué par la grosse caisse, le kick marque le troisième temps avec la caisse claire jouée en cross-stick. La basse adapte là-dessus le « riddim », un motif récurrent qui forme le fondement mélodique du rythme et rend le reggae si reconnaissable. Aston assure un groove imparable, soutenant le chant dans les refrains et décalant dans le temps ses triolets et ses croches « swing » sur les couplets. La philosophie de la section rythmique est ainsi résumée par le bassiste dans une formule devenue célèbre : « La batterie, c’est le battement du cœur, et la basse, c’est la colonne vertébrale. Si la basse n’est pas bonne, la musique va avoir mal au dos, donc elle sera paralysée. »

D’albums en concerts, les frères seront reconnus comme les maîtres du genre, peut-être même devant la célèbre section Sly Dunbar – Robbie Shakespeare. C’est d’ailleurs Aston Barrett qui avait enseigné la basse à Robbie Shakespeare.

Après la mort de Bob Marley, les Wailers continueront sous la houlette d’Aston, même après l’assassinat de Carlton en 1987. Malgré la reconnaissance de la profession, le bassiste ne parviendra toutefois pas à faire payer des royalties pour son travail de producteur et compositeur auprès du label Island Records.

“Family Man” laisse orphelins les fans de reggae mais également ses 41 enfants, selon son décompte auprès de la BBC en 2013, tenant à justifier son surnom. C’est l’un d’eux, d’ailleurs, qui tient le rôle de son père dans le film Bob Marley: One Love, actuellement en salles.